1945 : repli, dissolution et libérations des camps annexes du KL-Natzweiler[1]
Les documents d’archives présentés sont les pièces d’un rapport d’enquête concernant l’évacuation des camps annexes du KL-Natzweiler situés sur la rive droite du Rhin. Ce rapport, diligenté par l’administration de la zone d’occupation américaine en Allemagne, a été rédigé par Claude Thomarat dans la ville d’Heilbronn et est daté du 30 juin 1947. Ce rapport est une ressource importante pour la compréhension et l’analyse des différentes étapes de l’évacuation des camps annexes du KL-Natzweiler, en particulier ceux de la vallée du Neckar dont celui de Neckarelz. Le rapport nous apporte également des éclaircissements sur l’organisation des convois et des « marches de la mort ».
Ce document a permis d’apporter des éléments de preuves dans le cadre des procès d’après-guerre contre les criminels nazis organisés dans la zone d’occupation américaine. Ces documents d’archives sont conservés au centre des Archives Arolsen, à Bad Arolsen, en Allemagne. Cette institution est un centre de documentation, d’information et de recherche sur la « persécution nationale-socialiste, le travail forcé et la Shoah », qui met en ligne des millions de documents sur les victimes des persécutions et de la répression nazies. L’anniversaire des 80 ans de l’évacuation des camps annexes du KL-Natzweiler, débutée en mars 1945, offre l’opportunité de revenir sur les évènements qui ont conduit à la dissolution des camps annexes du KL-Natzweiler et à la fin du complexe concentrationnaire du KL-Natzweiler.
L’histoire du camp-souche du KL-Natzweiler, situé sur le lieu-dit du « Struthof » et à proximité de la commune de Natzwiller, s’achève là où elle avait commencé en 1941. En septembre 1944, environ 6 000 détenus sont évacués, principalement vers le camp de concentration de Dachau. Dès lors, l’histoire du KL-Natzweiler s’écrit ailleurs, à partir d’une nébuleuse de camps annexes préexistants, en cours d’édification ou en devenir. Même si le camp-souche a disparu, le complexe concentrationnaire du KL-Natzweiler continue à recevoir une population concentrationnaire toujours plus nombreuse alors que les conditions de détention se dégradent fortement. En effet, de septembre 1944 à mars 1945, 30 à 35 camps annexes continuent de fonctionner, de croître, afin de répondre aux impératifs de l’effort de guerre alors que le front recule de toute part.
En novembre 1944, l’administration centrale du KL-Natzweiler s’organise à Guttenbach, Binau et Neunkirchen, trois villages proches de la vallée du Neckar. Dans ce camp, les détenus travaillent dans une usine souterraine, installée dans une mine de gypse, qui doit produire des moteurs Daimler pour la Luftwaffe.
La nouvelle administration centrale perd vite en efficacité. En effet, la situation géographique, les locaux peu adaptés et le contexte de l’avancée des Alliés ne permettent pas un enracinement pérenne de l’administration installée au sein de l’auberge Zum Karpfe. Pourtant, le KL-Natzweiler continue d’enregistrer de nouvelles entrées en son sein. Mais la liste matriculaire (registres des entrées) cesse d’être complétée le 19 janvier 1945. Le dernier matricule enregistré est le 44 599.
En parallèle, à partir de février 1945, l’administration SS, poussée à l’itinérance, n’arrive plus à suivre le rythme des arrivées. Par conséquent, le 18 février 1945, le SS Heinrich Schwarz prend le commandement du KL-Natzweiler et organise son évacuation.
À partir du mois de mars 1945 jusque dans le courant du mois d’avril 1945, les camps annexes du KL-Natzweiler sont évacués au fur et à mesure de l’avancée des troupes alliées. Les déportés sont transférés dans une panique générale vers d’autres camps plus éloignés du front, lors des « marches de la mort » particulièrement meurtrières.
Par conséquent, la mortalité par épuisement, hypothermie ou causée par les maladies et les exécutions sommaires le long des routes, augmente considérablement.
À la fin du mois d’avril 1945, l’ensemble des camps annexes constituant le système concentrationnaire du KL-Natzweiler sont libérés. Les détenus des camps annexes de Schörzingen et de Dautmergen sont les derniers à être libérés le 18 avril 1945. Il est à noter que le camp de concentration de Vaihingen (camp mouroir du KL-Natzweiler), libéré par l'armée française le 7 avril 1945, est le seul camp annexe du KL-Natzweiler à avoir été libéré avant qu'il ne soit totalement évacué.
En conclusion, le bilan de la mortalité au KL-Natzweiler est extrêmement lourd : sur les 50 000 déportés immatriculés au KL-Natzweiler, 3 000 ont trouvé la mort au camp souche et plus de 17 000 dans les camps annexes.
[1] Nous utiliserons par la suite l’abréviation KL pour le terme Konzentrationslager, qui est d’usage dans les documents administratifs nazis, de préférence à celle de « KZ » usitée par l’historiographie allemande.

[Rapport d’enquête], [1947], [2.1.1], [3141158_1], © Digital Archive, Arolsen Archives.

[Rapport d’enquête], [1947], [2.1.1], [3141158_2], © Digital Archive, Arolsen Archives.

[Rapport d’enquête], [1947], [2.1.1], [3141159], © Digital Archive, Arolsen Archives.