Télégramme du 21 avril 1944 - Pièce d’archive issue du dossier « Annexe G : rapports sanitaires des médecins SS du camp » situé dans le fonds rapportant la Procédure dite "Camp du Struthof-Natzweiler" clôturée par le jugement n°757/5858 rendu le 28 mai 1958 par le tribunal permanent des forces armées de Paris, à la suite du jugement n°286/286 du 02 juillet 1954 par le tribunal permanent des forces armées de Metz.
Cette pièce d’archive est conservée au Dépôt central des archives de la justice militaire.
Il s'agit d'un télégramme envoyé le 21 avril 1944 par le médecin-major de garnison SS du camp de Natzweiler, docteur Plaza (septième médecin du camp) et réceptionné par l’administration centrale du camp. Ce télégramme fait mention d’une demande d’installation, dans la salle des douches, de deux baignoires pour la désinfection des détenus nouvellement arrivés au camp, en complément du système de désinfection prodigué par les douches, déjà installées initialement.
Cette demande est accompagnée d’une autre portant sur l’installation d’une table de dissection dans une salle réservée à cet effet.
Ces demandes font suite à la construction de la baraque abritant le four crématoire, la salle de désinfection et la salle d’autopsie-dissection.
Pour la salle de désinfection, les travaux de maçonnerie et de crépissage sont effectués le 30 mai 1943. L’achèvement de l’ensemble de ces travaux est acté le 2 novembre 1943.
Les deux baignoires demandées complètent le dispositif de désinfection initialement assuré par la salle des douches, installée à la fin de l’année 1943. La désinfection est une étape primaire à l’arrivée des nouveaux détenus au camp. Ceux-ci devaient passer sous les douches, en vue d’un lavage et d’une désinfection par un traitement au crésyl. En 1944, à la vue du nombre critique des effectifs de détenus entrant au camp (jusqu’à 6000 détenus, à l’été 1944), le médecin du camp préconise l’installation de deux baignoires pour augmenter la cadence des allées et venues à la salle de désinfection et optimiser ainsi le processus de désinfection des nouveaux détenus.
Pour ce qui est de l’installation de la table de dissection aménagée au sein de la salle d’autopsie-dissection, cette dernière est le fruit du souhait du médecin du camp, de répondre aux demandes de professeurs de la Reichsuniversität de Strasbourg, qui pilotaient des expérimentations médicales sur des détenus cobayes.
Ces expérimentations médicales ont été, en partie, réalisées par le professeur Bickenbach, qui voulait constater les effets physiques et physiologiques d’un traitement contre le gaz phosgène sur les corps des détenus cobayes dont des déportés tsiganes, ayant subi les effets des ampoules remplies de ce gaz, à doses croissantes. Les détenus tsiganes sont décédés au camp des suites de ces expériences.
À la suite de ces décès, des autopsies avaient lieu et étaient effectuées, entre autres, par un chirurgien militaire belge interné NN, employé à l’Infirmerie du camp et matriculé 9157, Georg Boogaerts, le tout sous la surveillance de médecins, notamment le virologiste Eugen Haagen et le professeur Otto Bickenbach.
Le fruit de ces autopsies (prélèvements de matières organiques et de matériels biologiques) était transmis à la ReichsuniversitätStraβburg afin d’effectuer des analyses.
Enfin, des expérimentations médicales menées par Haagen ont également été menées afin d’évaluer l’efficacité d’un vaccin contre le typhus exanthématique, après administration de la bactérie responsable de la maladie, à des détenus cobayes, et afin de constater les conséquences physiques et physiologiques de cette maladie, depuis l’inoculation jusqu’à leur éventuel décès.
Des prises de sang ou des ponctions de matières organiques pouvaient avoir lieu également pendant ces expérimentations.
D’autres expérimentations médicales menées par Haagen, avaient pour finalité, la recherche des causes de l’hépatite épidémique de type A et la compréhension de ses effets sur le métabolisme humain.