80e anniversaire du départ de Strasbourg d’un convoi de 61 Tsiganes vers Auschwitz - CONFERENCE ANNULEE
Le 21 mars 1943, un convoi de déportation parti de la gare de Strasbourg arrive à Auschwitz-Birkenau avec 61 personnes identifiées comme « tsiganes » en Alsace annexée. L’organisation d’un tel transport s’inscrit dans la dynamique génocidaire déclenchée par les autorités policières allemandes à l’échelle européenne au printemps 1943. Les familles déportées, des Sinti originaires d’Allemagne rhénane, exerçaient des métiers itinérants et pensaient trouver refuge à Strasbourg pour fuir les persécutions.
Pour commémorer les 80 ans de cet événement, le Centre européen du résistant déporté et Sciences Po Strasbourg organisent une conférence dédiée à la question des persécutions des Roms et Sinti en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Intitulée « Génocide et persécutions, le cas français en perspective », cette conférence aura lieu le mardi 21 mars 2023 à 18h15, à Sciences Po Strasbourg.
Elle sera donnée par deux spécialistes de ces questions : Ilsen About et Théophile Leroy. Elle sera aussi l’occasion de présenter les nouvelles pistes historiographiques ouvertes ces dernières années, avec la parution, ce mois-ci, du dernier numéro de la Revue d’histoire de la Shoah. Celui-ci est consacré aux violences génocidaires perpétrées à l’encontre des Roms et Sinti en Europe de l’Ouest, de 1939 à 1946.
Les intervenants
Ilsen About est historien, chargé de recherche au CNRS, membre de l'IRIS. Il enseigne à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris. Il a publié de nombreuses études sur l’histoire des mondes roms en France et en Europe et sur l’histoire de l’antitsiganisme à l’époque contemporaine. Il a dirigé le numéro qui vient de paraître de la Revue d'histoire de la Shoah, « Persécutions des Roms et Sinti et violences génocidaires en Europe de l’Ouest, 1939-1946 » (n° 217). Lors de la conférence, l’intervention d’Ilsen About portera sur l’histoire et la temporalité d’une persécution en France, de 1939 à 1946.
Théophile Leroy est doctorant au Centre de recherches historiques de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris, et ATER (attaché temporaire d'enseignement et de recherche) en histoire contemporaine à Sciences Po Strasbourg. Sous la codirection de Laurent Joly, directeur de recherche au CNRS, et d’Ilsen About, il étudie la persécution des Sinti présents dans l’espace rhénan pendant la guerre, avec une focale sur l’Alsace et la Moselle, territoires annexés. Il a travaillé en tant qu’enquêteur pour le programme « Témoignages de la persécution des Roms, Sinti et Voyageurs » qui vise à collecter les archives orales et écrites des personnes persécutées en tant que nomades en France entre 1940 et 1946. Durant la conférence, Théophile Leroy s’intéressera à une « Approche micro-historique d’un convoi de déportation : Strasbourg, 1943 ».
Y aller : le 21 mars 2023, à 18h15, Sciences Po Strasbourg, bâtiment Le Cardo, amphi F, 7 rue de l'Écarlate à Strasbourg. Entrée libre.
Image d'illustration : vanniers à la Roberstau, Strasbourg, années 1930. Collection Blümer. Archives de la Ville et de l'Eurométropole de Strasbourg.
Le Konzentrationslager (KL) Natzweiler-Struthof, un lieu où les Tsiganes servent de cobayes
Sur les 52 000 déportés qui sont passés par le KL Natzweiler et son réseau d’une cinquantaine de camps annexes, environ 400 Tsiganes y ont été recensés. Près de la moitié d’entre eux ont été transférés au camp principal pour des expériences médicales.
La faculté de médecine de la ReichsuniversitätStraßburg, inaugurée le 23 novembre 1941, trouve à Natzweiler un lieu propice pour pratiquer des expérimentations sur des êtres humains, en utilisant des détenus comme des cobayes. Trois professeurs, entre 1942 et 1944, utilisent cette possibilité. Ils disposent, pour cela, de trois espaces pour ces recherches : une partie du block 5, qui sert d’infirmerie, une partie du block crématoire, et une chambre à gaz.
Otto Bickenbach, professeur de médecine interne, s’intéresse au phosgène, un gaz de combat qui endommage les poumons. Après des essais sur des animaux, il est autorisé à les tester sur des hommes. Une chambre à gaz est installée à cet effet dans une pièce de l’annexe de l’auberge située sur le camp du Struthof. Quinze expériences menées sur 40 personnes sont réalisées au KL Natzweiler en 1943 et 1944.
Une première série d’expériences est opérée sur un groupe de 24 détenus du camp, en juin et en juillet 1943, puis en juin et en août 1944. En 1944, les 16 victimes sont exclusivement des Tsiganes. Huit avaient précédemment été soumis aux expériences d’Eugen Haagen. Au total, huit victimes de ces expériences meurent des suites de ces expériences.
Eugen Haagen, professeur d’hygiène et de bactériologie, réalise en 1944 des expériences sur le typhus et l’hépatite épidémique. A cet effet, en décembre 1943, 189 Tsiganes sont transférés en deux fois à sa demande depuis Auschwitz. Quatre-vingts détenus sont finalement inclus, sans leur consentement, dans les expériences liées au vaccin contre le typhus, la totalité des détenus exposés au cours de plusieurs expériences sont des Roms et des Sinti. Les infections expérimentales que Haagen leur inflige entre le 27 janvier et le 25 mai 1944 déclenchent de fortes fièvres et des intenses fatigues, mais pas de décès.